Et la conscience du danger, vous l’aviez ?
- Alors, la conscience du danger, oui, mais il y avait un tel bonheur à faire quelque chose, que ça passait après. Vous comprenez ?
Michèle Agniel Résistante et déportée en 1944
https://www.lepoint.fr/politique/les-lecons-de-vie-des-derniers-resistants-michele-agniel-96-ans-30-09-2022-2491989_20.php#xtmc=michele-agniel&xtnp=1&xtcr=2
Le 31 janvier 1945, on voit un Allemand qui arrive, affolé – alors que vous savez, les Allemands c'était toujours « tac tac », tandis que là il arrive comme un fou. Immédiatement, ils se dispersent tous, ils nous font lâcher nos pelles, nos pioches, là, sur place – alors que d'habitude il fallait aller les ranger – et ils nous font revenir sur le camp à toute vitesse. On n'arrivait même pas à suivre. Et donc on arrive au camp et on nous enferme dans nos chambrées. Et le lendemain matin, pas d'appel. Alors finalement, au bout d'un certain temps, on a cassé la fenêtre qui était fermée et on est parties à deux ou trois et on s'est aperçues qu'il n'y avait plus un Allemand dans le camp, ils avaient fui. Et là, on a commencé à nous croire libres. Donc on a commencé par manger tout ce qu'on trouvait. Et le lendemain matin, à 6 heures, ils étaient là, ils étaient revenus. Et donc ils ont brûlé tout le camp. Et nous, on a vite filé, quelques-unes (on était une dizaine), on a filé par la fenêtre arrière. Maman, qui ne pouvait pas marcher, on l'a portée et on s'est filé. Alors qu'ils continuaient à mettre le feu à tous les baraquements ! Et on entendait des coups de fusil, car celles qui n'allaient pas assez vite pour suivre les rangs, pour aller retrouver le train qu'ils avaient préparé pour remmener toutes les femmes sur Ravensbruck, ils les tuaient sur place. Et le lendemain matin, on en a enterré six et puis on a attendu. D'un coup, alors que je dormais, j'ai une de mes camarades qui vient me réveiller : « Michèle, réveille-toi, ils sont là, ils sont là ! » C'étaient les Russes. Ils nous ont apporté ce qu'ils avaient, ils n'avaient pas grand-chose... C'est-à-dire qu'ils ont tué une vache pour qu'on ait de la viande, ils en ont gardé une autre pour qu'on ait du lait. Ils nous ont apporté des pommes de terre, des oignons. Alors je ne sais pas ce qu'ils faisaient avec leurs oignons, ils bouffaient des oignons à tire-larigot ! On est restées là comme ça pendant près de trois semaines. Et on ne savait pas ce qui arrivait, on n'avait pas de nouvelles. Et ils nous ont mis dans des camions et on est reparties vers la Pologne. Ils nous ont fait expliquer qu'ils nous emmenaient à l'hôpital pour voir le médecin. Et on ne se rendait vraiment pas compte de l'état dans lequel on était. Car je me rappelle encore maman me disant, alors qu'elle ne tenait pas debout : « Tu crois qu'ils vont vouloir de nous, on n'est pas malades ? » Et on est restées à l'hôpital quatre mois et ensuite on a été renvoyées en France.
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Le 31 janvier 1945, on voit un Allemand qui arrive, affolé – alors que vous savez, les Allemands c'était toujours « tac tac », tandis que là il arrive comme un fou. Immédiatement, ils se dispersent tous, ils nous font lâcher nos pelles, nos pioches, là, sur place – alors que d'habitude il fallait aller les ranger – et ils nous font revenir sur le camp à toute vitesse. On n'arrivait même pas à suivre. Et donc on arrive au camp et on nous enferme dans nos chambrées. Et le lendemain matin, pas d'appel. Alors finalement, au bout d'un certain temps, on a cassé la fenêtre qui était fermée et on est parties à deux ou trois et on s'est aperçues qu'il n'y avait plus un Allemand dans le camp, ils avaient fui. Et là, on a commencé à nous croire libres. Donc on a commencé par manger tout ce qu'on trouvait. Et le lendemain matin, à 6 heures, ils étaient là, ils étaient revenus. Et donc ils ont brûlé tout le camp. Et nous, on a vite filé, quelques-unes (on était une dizaine), on a filé par la fenêtre arrière. Maman, qui ne pouvait pas marcher, on l'a portée et on s'est filé. Alors qu'ils continuaient à mettre le feu à tous les baraquements ! Et on entendait des coups de fusil, car celles qui n'allaient pas assez vite pour suivre les rangs, pour aller retrouver le train qu'ils avaient préparé pour remmener toutes les femmes sur Ravensbruck, ils les tuaient sur place. Et le lendemain matin, on en a enterré six et puis on a attendu. D'un coup, alors que je dormais, j'ai une de mes camarades qui vient me réveiller : « Michèle, réveille-toi, ils sont là, ils sont là ! » C'étaient les Russes. Ils nous ont apporté ce qu'ils avaient, ils n'avaient pas grand-chose... C'est-à-dire qu'ils ont tué une vache pour qu'on ait de la viande, ils en ont gardé une autre pour qu'on ait du lait. Ils nous ont apporté des pommes de terre, des oignons. Alors je ne sais pas ce qu'ils faisaient avec leurs oignons, ils bouffaient des oignons à tire-larigot ! On est restées là comme ça pendant près de trois semaines. Et on ne savait pas ce qui arrivait, on n'avait pas de nouvelles. Et ils nous ont mis dans des camions et on est reparties vers la Pologne. Ils nous ont fait expliquer qu'ils nous emmenaient à l'hôpital pour voir le médecin. Et on ne se rendait vraiment pas compte de l'état dans lequel on était. Car je me rappelle encore maman me disant, alors qu'elle ne tenait pas debout : « Tu crois qu'ils vont vouloir de nous, on n'est pas malades ? » Et on est restées à l'hôpital quatre mois et ensuite on a été renvoyées en France.
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- Allemagne, Camp de concentration, Déportation
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